Le voyage du chef-d’œuvre du MND

La « Cabane des douaniers, effet d’après-midi » de Claude Monet nous quitte le temps des travaux, mais vous pourrez toujours la contempler au Musée des Beaux-Arts de Bordeaux (MUSBA) jusqu’au 10 juin prochain.

Ce tableau est sans nul doute le chef-d’œuvre parmi les collections présentées du musée. Acquis par l’État lors d’une vente aux enchères, il est en dépôt au MND depuis. Son intérêt, outre son célèbre auteur, est multiple, tant pour ce qui concerne la douane, puisqu’il représente une cabane de douanier, que dans l’histoire de l’art.

Au XIXe siècle, la Régie des Douanes est habilitée à racheter tout terrain côtier sur lequel elle juge utile de construire un poste de douane. Chaque poste abrite une brigade, soit six à dix hommes. Mais les douaniers, chargés également d’arpenter les côtes dans le cadre de leur mission d’observation des mouvements de navires, ont coutume de se fabriquer des abris qui leur permettent de supporter le mauvais temps. Au siècle suivant, le blocus continental de Napoléon contre le Royaume-Uni (1806-1814) accroît l’intérêt stratégique de la surveillance des côtes. Partie intégrante du paysage littoral, ces abris ont éveillé l’intérêt esthétique de nombreux peintres.

Perchée au bord d’une falaise qui surplombe la mer, cette cabane, plutôt confortable (notez la présence de fenêtres, d’une cheminée), est bordée par la nature sauvage du littoral normand. Elle était proche du poste de douanes du Petit Ailly, situé sur la falaise de Varengeville, non loin de Dieppe. Le cadrage adopté place la ligne d’horizon très en hauteur, la mer agitée d’une légère brise occupe la majeure partie de la toile. Le soleil d’après-midi enrobe la scène d’une lumière douce. Les flots viennent battre contre les rochers en soulevant des pointes d’écume blanche que l’artiste rend par des empâtements.

Ce paysage fut réalisé lors d’un séjour du peintre à Pourville en 1882 à l’occasion duquel Monet expérimente une démarche qui deviendra systématique dans les années 1890 : la série. Les meules, les peupliers et les vues de la cathédrale de Rouen sont en effet plus tardives. Monet revient sur la côte normande en 1896-97 et il réalise d’autres œuvres à partir de ce même motif : on connaît dix-huit tableaux reprenant cette cabane, dénommée tantôt des douaniers, tantôt de pêcheur, dont une dizaine réalisées en 1882. Monet y teste les effets du matin, du soir, essayant de traduire les changements de lumière dans sa peinture, démarche qui fera sa renommée.

Cette toile est ainsi très représentative du mouvement impressionniste par sa touche, colorée, divisée et visible ; sa composition, déterminée par le cadrage et non pas construite au préalable ; l’expression de la profondeur par des bandes colorées successives et le ciel très réduit qui contraste avec les grands ciels de la peinture classique.

Rendez-vous donc dans l’aile Bonheur du MUSBA, pour profiter de ce nouvel accrochage réalisé à l’occasion du 150e anniversaire de la première exposition impressionniste, qui a marqué la naissance du mouvement.

Plus d’informations sur l’accrochage du MUSBA

©Mairie de Bordeaux, musée des Beaux-Arts, photo F. Deval

©Mairie de Bordeaux, musée des Beaux-Arts, photo F. Deval
©Mairie de Bordeaux, musée des Beaux-Arts, photo F. Deval